Véhicules électriques: vers une industrie locale et durable*
- Team Alventis Automotive
- 11 janv.
- 5 min de lecture

En Afrique subsaharienne, les niveaux élevés de pollution par les particules fines (PM2.5) provenant des émissions des véhicules causent des problèmes de santé, des retards de développement, et même des décès. Les émissions des véhicules contribuent également au réchauffement climatique.
Les véhicules électriques pourraient aider à résoudre ces problèmes, mais leur adoption reste lente dans la région. La plus grande économie du continent, l’Afrique du Sud, ne comptait qu’environ 1 000 véhicules électriques en 2022.
Nous sommes des ingénieurs spécialisés dans les transports, et nos recherches se concentrent sur les véhicules électriques et le transport routier de marchandises en Afrique subsaharienne. Nous étudions comment les véhicules électriques pourraient contribuer à réduire les émissions dans la région, ainsi que les obstacles à l’électrification des transports.
L’un des freins à l’adoption est le coût élevé des véhicules électriques. Leur autonomie limitée et le temps de recharge des batteries posent également problème pour les longs trajets ou les utilisations intensives.
L’incapacité des pays à produire et distribuer suffisamment d’électricité propre est un autre obstacle. Plus de la moitié de l’électricité de la région provient de la combustion d’énergies fossiles. Alimenter des véhicules électriques avec une électricité produite à partir de combustibles fossiles ne réduirait pas nécessairement les émissions de carbone.
Cependant, le déploiement de motos électriques et de petits véhicules de transport public a déjà commencé. Si tous les véhicules pouvaient être fabriqués localement, en utilisant une énergie propre, cela apporterait d’énormes avantages économiques à la région.
La mobilité électrique est encore loin
La transition vers la mobilité électrique nécessite une production d’énergie propre, ce qui implique des investissements dans les infrastructures électriques. Les stations de recharge pour véhicules électriques peuvent être installées rapidement : l’Afrique du Sud a déjà un ratio élevé d’une borne de recharge pour cinq véhicules, contre un pour vingt au Royaume-Uni. Mais ces stations doivent pouvoir fournir de l’électricité de manière fiable, ce qui nécessite des systèmes de stockage d’énergie renouvelable à grande échelle – encore en développement.
En Afrique subsaharienne, les transports publics informels représentent environ 72 % des déplacements de passagers. Le fret routier est essentiel en l’absence de réseaux ferroviaires adéquats. L’électrification de ces secteurs nécessite une planification minutieuse.
Les transports informels, comme les minibus (matatu, trotro), les tricycles (tuk-tuk) et les motos-taxis (boda boda), sont difficiles à électrifier en raison de leur nature non planifiée, décentralisée et souvent chaotique.
Le fret est un indicateur clé de la croissance économique, et pour que les économies se développent, le fret doit augmenter. Les gouvernements doivent donc investir dans des stations de recharge rapide et puissantes le long des routes, capables de charger différents types de camions. L’industrie du fret ne peut pas absorber ces coûts seule.
Un besoin de changement rapide
Le secteur des transports doit opérer sa transition vers la mobilité électrique plus rapidement que l’adoption des smartphones s’il veut atteindre l’objectif de zéro émission nette d’ici 2050. Des infrastructures électriques et civiles coûteuses (routes, terminaux de minibus, stations pour camions, réseaux de distribution d’électricité) seront nécessaires – et rapidement.
Cependant, nos résultats montrent que les flottes devront inclure un mélange de véhicules électriques et à combustion si les pays veulent continuer à transporter la même quantité de marchandises et de personnes qu’actuellement. En effet, les véhicules électriques se rechargent lentement. Alors qu’un minibus diesel peut parcourir 750 km après un plein d’une minute, un minibus électrique ne recharge que 2 km par minute en courant continu et 0,3 km par minute en courant alternatif. Son autonomie est également inférieure de 21 % à celle d’un véhicule diesel.
Les stations-service de la région stockent généralement l’équivalent de 225 000 km de carburant pour un minibus diesel. Une batterie stationnaire de même taille ne stockerait que 16 000 km pour un minibus électrique. Des batteries supplémentaires ou interchangeables pourraient être utilisées, mais cela augmenterait considérablement les coûts, rendant la solution peu viable financièrement pour l’industrie du fret.
Construire une industrie locale de véhicules électriques
À l’exception de l’Afrique du Sud, la région a longtemps été une décharge pour les véhicules d’occasion en provenance des pays développés. La conception relativement simple des véhicules électriques offre une opportunité à l’Afrique subsaharienne de se tourner vers une nouvelle industrie locale de véhicules électriques.
Les travailleurs spécialisés dans les moteurs à combustion pourraient être reconvertis pour fabriquer des véhicules électriques. L’Afrique possède déjà les compétences pour concevoir et produire des composants comme les batteries et les moteurs électriques. La création d’industries locales éviterait également à la région d’être inondée de véhicules électriques bon marché importés, qui ne contribuent pas à l’emploi local.
L’Éthiopie a récemment interdit l’importation de véhicules à combustion. Le premier système de transport rapide entièrement électrique d’Afrique a été mis en place à Dakar, au Sénégal, en 2023. La compagnie Golden Arrow en Afrique du Sud a acheté 120 bus électriques cette année. Des camions lourds électriques font également leur apparition sur le marché sud-africain.
L’Afrique a déjà produit des dizaines de milliers de deux et trois-roues électriques utilisés pour le transport public et la livraison du dernier kilomètre, comme Ampersand au Rwanda, Roam Electric au Kenya et Spiro au Bénin. Les batteries sont souvent fournies via un système d’échange et de paiement par téléphone portable. En Afrique du Sud, Mellowvans produit un triporteur de livraison.
Une moto électrique Roam Air a récemment parcouru 6 000 km de Nairobi à Stellenbosch en utilisant uniquement l’énergie solaire abondante de la région. Au Kenya, BasiGO assemble des bus localement et propose des financements pour les bus électriques. Roam Electric fabrique des bus et des motos électriques conçus localement. En Afrique du Sud, un projet de l’Université de Stellenbosch a converti un minibus à essence et un bus diesel de 65 places en véhicules électriques.
L’électrification est inévitable
La transition vers les véhicules électriques est inévitable. Voici les étapes nécessaires :
1. Réviser les politiques de transport liées aux véhicules de fret, comme les limites de poids et de longueur, pour s’assurer que les véhicules électriques importés peuvent circuler sur les réseaux routiers africains.
2. Garantir que les transports informels soient sûrs, efficaces et équitables.
3. Bien réfléchir aux droits de douane et aux incitations. Le Rwanda a supprimé les taxes douanières sur les véhicules électriques pour les rendre plus abordables, mais cela a entraîné une influx de vieux véhicules hybrides aux batteries défectueuses.
4. Repenser le modèle de taxation. En Afrique du Sud, par exemple, les taxes sur les carburants représentent une part importante des revenus nationaux.
Pour tirer le meilleur parti de la révolution de la mobilité électrique, les pays d’Afrique subsaharienne ont besoin de politiques et d’incitations pour localiser la production et investir dans les énergies vertes, sous peine de rater cette opportunité.
*Source: https://theconversation.com
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